Le statut de Kidal : Qui ça gêne et pourquoi ?
Le statut de Kidal : Qui ça gêne et pourquoi ?
Le débat à propos du statut de Kidal est bel et bien à situer dans un contexte précis qui est celui des enjeux politiques dans la sous-région, au-delà de la question sécuritaire et de la présence djihadiste.
Dans l’esprit de beaucoup, Kidal est, depuis les années 60, le symbole de la résistance à toute domination idéologique et politique de l’espace sahélo-saharien. Les derniers assauts politiques contre Kidal ne visent en réalité pas que les « terroristes » mais ce symbole d’une résistance qui dérange encore dans certains cercles qui ont trop longtemps abusé de la configuration politique léguée par l’ancienne puissance coloniale au Mali et au Niger.
Les propos surprenants du président Mahamadou Issoufou contre le statut de Kidal révèlent une erreur d’appréciation de la situation politique au Mali. Ces dérapages, contrôlés ou pas, pourraient susciter l’incompréhension au-delà du Mali. Quel type de « retour de l’État malien à Kidal » pourrait ramener la quiétude plus que ne le font les différentes forces déjà en place ? Pourquoi l’Etat malien serait-il plus efficace à Kidal qu’il ne l’est à Mopti ou à Ségou ? L’exigence de clarté dans les rapports de certains Mouvements avec les djihadistes aurait pu être étendue à l’ensemble des acteurs signataires des accords d’Alger. Il aurait été également légitime de se poser la question des accointances qu’auraient d’autres acteurs, notamment étatiques, avec la criminalité organisée quel que soit par ailleurs son habillage.
Ce sont plutôt ces prises de position contre le « Statut actuel de Kidal » qui pourraient constituer une menace sur l’ensemble de la sous-région car elles pourraient avoir comme conséquences de torpiller les efforts de la communauté internationale à apaiser les tensions politiques pour une plus grande efficacité dans la lutte contre les différents types de violence. Si le Niger connaît l’identité des personnes responsables d’actes de violence commis sur son territoire et qui se retrouveraient au Mali, il est tout à fait légitime qu’il demande aux autorités maliennes une collaboration judiciaires dans le cadre du droit international ou d’éventuels accords qu’ils pourraient avoir en la matière. Le reste est un problème malien que le Niger n’a aucun intérêt à secouer au risque de se créer d’autres animosités et ouvrir une autre boite de pandore. Il est difficile en effet, de percevoir l’intérêt du Niger à endosser un rôle agressif et désobligeant vis-à-vis de certaines parties du conflit qui oppose l’Etat de Mali à l’Azawad, alors que tout le prédestine plutôt à y jouer un rôle de facilitation et d’apaisement.
Les acteurs de terrain et de la scène internationale savent que du sort de Kidal dépendra la stabilité de la sous-région. C’est en effet un enjeu majeur dont la portée dépasse les querelles internes à l’Azawad et le rôle réel ou supposé que pourrait y jouer telle ou telle communauté. Les courants idéologiques récents qui traversent tout le Sahel posent d’autres questions auxquelles les populations de Kidal comme celles de Kayes, d’Agadez ou de Dosso sont potentiellement confrontées au même titre.
L’Etat malien n’a pas convaincu quant à sa capacité à administrer ce territoire et à y garantir la sécurité de la population. Il ne faut jamais perdre de vue que la plupart des réfugiés qui on fuit le Mali en 2012, craignaient plus l’armée nationale que les groupes « terroristes. La mémoire collective des communautés de l’Azawad ne retient de la présence de l’Etat malien que le comportement antinational et antipatriotique de son Armée et de ses milices dans les années 90. Il faudra donc convaincre ces populations que l’Etat a évolué dans ses rapports avec elles.
La lutte contre l’insécurité nécessite par conséquent, un effort réel et effectif de la communauté internationale afin de réduire les tensions politiques internes qui favorisent l’implantation de groupes armés et le développement de la violence. Le réalisme politique commande à chaque pays d’adapter ses velléités guerrières à ses capacités politiques et militaires dans le respect de ses engagements internationaux. Cela suppose une approche sincère et responsable de sa propre gouvernance pour contribuer à faire baisser le niveau des risques dans la sous-région. Les discours va-t-en-guerre relèvent souvent plus de la diversion et de l’agitation politicienne que de la recherche d’une véritable solution aux problèmes évoquées. La gestion des questions sécuritaires actuelles ne pourra pas faire l’économie d’un traitement de fond des problèmes politiques et de gouvernance, posés dans la zone depuis les indépendances.
Les pays de la zone sahélienne, notamment le Niger et le Mali, gagneraient plus à s’attaquer à leurs contradictions internes et aux lourdeurs politiques qui brident leur développement et les exposent aux menaces de toutes sortes. Il apparait aujourd’hui que les djihadistes recrutent sur un terreau rendu fertile par l’injustice, le clientélisme et un niveau de corruption qui rendent inefficaces les politiques publiques de paix et de développement.
Abdoulahi ATTAYOUB
Lyon France 12 septembre 2019