Niger : la corruption, une menace pour la stabilité de l'État.
Niger : la corruption, une menace pour la stabilité de l'État.
Depuis des années, le niveau gravissime atteint par la corruption suscite l’inquiétude de nombreux Nigériens qui n’ont cessé d'attirer l'attention des autorités sur les périls que cela fait courir à la cohésion, à la stabilité du pays et ses capacités de développement.
Aujourd'hui, à la faveur d'un audit au ministère de la Défense nationale, le pays découvre l'ampleur du problème et l'étendue des dommages. Des centaines de milliards de Francs CFA, (certains évoquent 1700 milliards, soit environ trois quarts du budget annuel national !), se seraient ainsi volatilisées.
Il convient de saluer l’initiative de cet audit en espérant qu'elle augure une réelle volonté d'assainir le fonctionnement de certaines administrations et de combattre enfin des pratiques indécentes qui brident le développement du pays par une banalisation de la corruption à tous les niveaux de l'État.
Le Président de la République, Issoufou Mahamadou, « découvre » l'immense préjudice pour le pays et s’efforce d’en maîtriser les conséquences délétères sur la stabilité des institutions de l'État.
Après une réunion de crise consacrée à cet audit, le gouvernement aurait décidé de demander aux responsables de ces malversations de "rembourser" l'argent dérobé, mais en s’abstenant de saisir la voie judiciaire. Curieuse posture car inhabituelle et récusable dans une situation aussi grave. Le Président de la République a-t-il mesuré les conséquences d'un traitement inapproprié de cette affaire sur la crédibilité des institutions de la République ?
L'importance des détournements révélés par le gouvernement et leurs conséquences sur la sécurité nationale auraient justifié des sanctions politiques et administratives immédiates. Toute tergiversation à transmettre le rapport de l'audit à la justice, piétinant ainsi les principes d’égalité devant la loi et de séparation des pouvoirs, ne saurait être ni comprise ni acceptée par les citoyens. En outre, un « arrangement » hasardeux pourrait mettre en péril les équilibres institutionnels et finir par rejaillir sur la bienveillance de la Communauté internationale à l’égard du pays.
Dans un pays régulièrement classé dernier de la planète selon son IDH, en guerre contre des djihadistes et dont l’armée devrait donc bénéficier des moyens indispensables pour assurer efficacement sa mission, ce type de scandale relève de la criminalité organisée et de l’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Au-delà des considérations morales et politiques, cette affaire révèle une fois de plus un laxisme éhonté permettant à un simple agent de l'État de mener un train de vie de milliardaire sans aucun rapport avec ses revenus connus par l’administration. Des fortunes suspectes, tangibles sur l’ensemble du territoire national se constituent sans que cela n'attire la moindre curiosité des pouvoirs publics.
Abdoulahi ATTAYOUB Lyon 2 mars 2020
Consultant