Pandémie de la maladie du Coronavirus (COVID-19)
Pandémie de la maladie du Coronavirus (COVID-19)
La gestion de la crise sanitaire est d’abord politique
En quelques mois la planète tout entière se retrouve quasiment déboussolée par un virus qu’elle n’a pas vu venir et qui menace d'échapper à tout contrôle. Chaque continent, chaque pays, essaie de trouver la meilleure stratégie pour faire face à cette pandémie avec les moyens et les contraintes propres à ses réalités et capacités scientifiques, économiques et sociales.
L’Afrique entre progressivement dans cette « guerre » avec un décalage dû parait-il à sa faible intégration dans la mondialisation et donc à ses interactions limitées avec le reste du monde. Les cas se multiplient et l'angoisse monte quant aux perspectives d'une propagation qui risquerait de faire des dégâts autrement plus graves que ce que connait l’Europe aujourd'hui.
En effet, les mesures prises en Europe semblent difficilement transposables dans des pays où la majorité de la population vit au jour le jour. Le confinement total ne pourrait être envisageable que si l'État a la capacité de procéder à une distribution tout azimut de vivres aux ménages les plus fragiles. Les autorités devraient faire preuve d’anticipation en affichant clairement le dispositif à mettre en place afin d’assurer un accompagnement des mesures indispensables pour contenir la propagation de cette pandémie.
Dans le cas spécifique du Sahel et du Niger en particulier, cette pandémie survient à un moment ou le pays fait face à une menace sécuritaire qui perturbe déjà considérablement la vie sociale et économique. Par conséquent, les autorités se doivent d’imaginer une réponse qui tienne compte de cette réalité également. Face à cette situation, l’esprit de responsabilité et de solidarité dont fait preuve la classe politique nigérienne dans son ensemble mérite d’être salué et félicité. Cette posture la met à l’abri de la tentation d’une exploitation politicienne de la crise. En effet, la nécessaire unité nationale pour affronter la pandémie ne saurait faire l’objet d’une instrumentalisation destinée, soit à faire diversion pour éluder d’autres questions qui pourraient déranger, soit à compliquer la gestion de la situation par les autorités actuelles. Le débat politique gagnerait à intégrer ce discernement dans la hiérarchisation temporelle des priorités afin d’optimiser la réponse publique à la situation.
Par ailleurs, les réalités géographiques et démographiques appellent naturellement une réponse différenciée pour les centres urbains et le monde rural. Le discernement nécessaire permettrait une efficacité accrue des mesures prises par les pouvoirs publics et le respect par la population des consignes en matière de sécurité sanitaire. La faiblesse des moyens dont dispose l’Etat impose des limites et commande une gestion rigoureuse tranchant radicalement des habitudes et des travers qui font l’actualité depuis des années. Une stratégie volontariste et vigoureuse sera d’autant plus acceptée qu’elle sera accompagnée d’une grande transparence dans la mobilisation des moyens disponibles.
Chacun comprend qu’il n’est ni réaliste d’envisager un confinement total de la population, ni possible de faire respecter les gestes barrières. Les réflexes culturels et les exigences d’une vie sociale plutôt communautaire rendent difficile une distanciation sociale d’autant plus qu’il subsiste encore des relents d’incrédulité dans certains esprits qui sont toujours enclins à des croyances complotistes ou irrationnels.
L’autorité nécessaire pour faire respecter les consignes, si besoin avec le concours de la force publique, gagnerait en légitimité si le sentiment de justice installait une confiance suffisante de la population dans l’action gouvernementale. Dans ce type de circonstance, les citoyens ont un besoin viscéral de se sentir protégés par une autorité non seulement éclairée mais surtout capable d’assumer ses responsabilités. Cela montre, s'il en est besoin, la nécessité d'une vision politique qui sait s'assumer et ne prendre les éclairages scientifiques et techniques que pour ce qu’ils sont : des outils d'aide à la décision qui ne sauraient être parfaits car produits par une démarche humaine toujours guettée par la subjectivité.
La controverse autour de la chloroquine et des choix du professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes à la faculté des sciences médicales et paramédicales de Marseille et à l'institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille (France), montre à quel point le débat contradictoire est ce qu’il y a de mieux pour faire avancer le progrès et rappeler le caractère relatif des postures humaines même quand elles se prévalent d'une certaine rigueur scientifique.
Consultant Lyon le 3 avril 2020
@attayoub