Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Abdoulahi ATTAYOUB

Mali, et maintenant, on fait quoi ?

22 Août 2020 , Rédigé par Abdoulahi ATTAYOUB

Et si le « coup d’Etat citoyen » du Mali augurait les prémices d’une réappropriation de leur souveraineté par les peuples du Sahel !

 

Le Mali est aujourd’hui déboussolé par le chaos dans lequel l'ont plongé ses fils qui ont hérité le pouvoir politique de l’administration coloniale française. L’État et ses institutions sont profondément ébranlés au terme d'une décomposition dont les germes remontent aux indépendances. La mal gouvernance, l'ethnocentrisme et la culture de l'impunité ont eu raison d’un projet national en complet décalage avec le pays réel. La crise actuelle offre aux communautés qui partagent ce territoire l'occasion de sauter le pas et oser une refondation totale de l'État. Une refondation qui commencerait par la construction d'un socle national commun authentiquement malien et délivré de la phraséologie de la pensée, « prêt-à-porter » manifestement inadaptée aux réalités de certains pays africains.

Un ordre constitutionnel qui s'est montré incapable d'organiser des élections qui reflètent véritablement la volonté des populations, ne saurait être un rempart contre l'anarchie et la confusion actuelle. Ce même ordre constitutionnel ne parvient pas à faire fonctionner correctement la justice contre les représentants de l’Etat qui commettent des exactions contre la population et ceux qui dilapident allègrement les deniers de l'État. Dans ces conditions l'Etat de droit est loin d'être une réalité tangible pour les citoyens.

Il s'agira à présent de s’accorder sur la définition d’un récit national partagé qui fera du pays une entité un peu moins « sudiste » et un peu plus « nordiste ».

Malgré ou à cause de l'écroulement de l’Etat puis de la confusion qui s'en est suivie, le peuple malien pourrait être le premier dans la sous-région à questionner les schémas institutionnels hérités de l'administration coloniale. Il deviendrait ainsi celui qui aura eu l'audace de déconstruire un système postcolonial inopérant et jeter les bases, enfin, d’un État authentiquement issu de la volonté de ses communautés nationales.

Edifier un État dont la forme et les institutions seront en mesure de faire vivre dans la paix et la complémentarité l'ensemble des communautés nationales. Cela requerra nécessairement le choix d’un Etat fédéral ou confédéral dont les contours et les prérogatives feront l'objet d'un consensus éclairé de l'ensemble des composantes de la population malienne.

Pour parvenir à opérer un tel changement de paradigme, il faudra certainement expurger la mémoire collective postcoloniale des scories qui ont contribué à engendrer la situation actuelle. Condition sine qua non pour permettre une réconciliation fondée sur la vérité et la justice. Accepter que les crimes commis par des Maliens au nom de l'État soient reconnus, jugés et pardonnés.

Le Mali dispose aujourd’hui d’hommes et de femmes suffisamment formés et expérimentés pour jeter les bases d'un nouveau départ et éviter au pays une dislocation définitive.

Les modalités pratiques et organisationnelles d'une telle refonte nécessitent probablement la mise en place d'un organe le plus inclusif possible, disposant ainsi de l'adhésion éclairée des Maliens dans leur diversité. La caution morale et la légitimité politique seraient apportées par une implication effective des représentations traditionnelles et coutumières, gardiennes des référents identitaires qui font la spécialité malienne au Sahel.

Sans un sursaut allant dans ce sens, le pays continuera à errer dans un recommencement perpétuel qui finira par rendre impossible toute reconstruction dans l'idée et les frontières actuelles. Les leçons enfin tirées de l’Histoire récente du pays devraient permettre de briser les chaînes d'un conformisme confortable qui pousse les élites à l'immobilisme suicidaire actuel. Reste à savoir si ces dernières ont la capacité de faire émerger des personnalités à la hauteur d’enjeux cruciaux et aptes à se surpasser en conduisant des réformes profondes du système qui les a produites.

Sur le plan international, Il apparaît de plus en plus que la CEDEAO risque de se fourvoyer, emportée par la volonté des peuples à se libérer du joug des Pouvoirs népotiques et prébendiers. Son acharnement à sanctionner le peuple malien parce qu'il a osé rejeter un régime failli, traduit en réalité les appréhensions, compréhensibles, de certains régimes sahéliens qui souffrent des mêmes travers et insuffisances que celui qui vient de s’effondrer au Mali.

La France et la communauté internationale devraient accompagner le peuple malien et l'encourager à s'atteler à une refondation radicale de son système de gouvernance afin de mettre définitivement un terme aux cycles de violences et aux risques d'éclatement du pays.

 

Abdoulahi ATTAYOUB

@attayoub

                                                                                                           Lyon le 22 aout 2020

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article