Mali-Azawad : Les dispositifs sécuritaires à l’épreuve du terrain
Depuis quelques semaines l’évolution de la situation militaire sur le terrain confirme la posture du Cadre stratégique permanent (CSP) comme acteur central de la sécurisation, de la stabilisation et par conséquent de la paix dans l’Azawad et au Mali en général.
Le départ annoncé des forces françaises du Mali et la réarticulation des opérations Barkhane et Takuba paraissent déjà montrer des effets sur la situation sécuritaire. Plusieurs centaines de civils ont été massacrés en quelques semaines et les autres acteurs locaux de la sécurité semblent avoir été surpris par la rapidité avec laquelle les groupe extrémistes violents sont passés à l’offensive dans la zone des trois frontières et au centre du Mali. Les dispositifs sécuritaires des armées maliennes et nigériennes semblent pour le moins inefficaces et impuissantes à répondre aux exigences sécuritaires actuelles consécutives au départ des forces européennes de la zone. Le vide laissé ne semble pas non plus comblé par la fameuse « montée en puissance » de l’Armée malienne.
Les autorités de Transition ayant clairement affiché leur indifférence au sort des populations des régions de Ménaka et Gao, il revenait au CSP et aux autorités coutumières locales d’assumer leurs responsabilités vis-à-vis des communautés meurtries. Les condoléances aux victimes et les condamnations des actes barbares contre les populations civiles devraient s’accompagner d’une offensive politique et diplomatique afin de mettre la communauté internationale devant ses responsabilités et lui demander plus de cohérence dans ses rapports avec les populations de cette partie du Sahel.
Les populations livrées à leur sort semblent abandonnées de tous tandis que les acteurs sécuritaires se limitent à une posture défensive pour assurer leur propre sécurité, laissant les populations à la merci des menaces. Pire, ces populations sont également victimes de la stigmatisation et des brimades, voire des exactions, de la part de l’armée malienne. Il est fait état de l’exécution par l’armée malienne d’une vingtaine de rescapés des récents massacres qui pensaient trouver refuge auprès des autorités de « leur pays ».
Une action humanitaire d’envergure est impérative pour venir en soutien aux dizaines de milliers de personnes qui fuient leurs espaces traditionnels pour se réfugier où elles peuvent, notamment en territoire nigérien.
L’Etat malien et son armée, de par leur attitude eu égard à la situation actuelle, semblent acter et confirmer leur distanciation du sort des populations de l’Azawad. Ces manquements ne semblent d’ailleurs pas troubler les Azawadiens qui continuent à participer aux instances de la Transition sans exiger de manière assumée une attention des autorités au sort des populations qu’il sont censés représenter. La signification et la pertinence politique de la présence dans les instances de la Transition de personnes se réclamant du CSP semble de plus en plus problématique et difficile à justifier eu égard au faible empressement des autorités actuelles à mettre en œuvre les accords de paix et à la mise en place d’une véritable armée reconstituée qui aura intégré les combattants des Mouvements dans les conditions contenues dans ces accords.
Aujourd’hui l’engagement du CSP sur le terrain militaire devrait s’accompagner d’une vigoureuse action politique et diplomatique destinée à clarifier le rôle des uns et de autres et pallier l’absence criante de l’Etat malien aux cotés populations victimes de massacres dans les région de Ménaka et Gao. Il devient de plus en plus évident que le CSP risque de se retrouver davantage seul à tenter de contenir la poussée Jihadiste consécutive au départ des forces européennes de cette régions. Cela pourrait lui ouvrir le droit de faire appel à la communauté internationale et à d’autres acteurs afin de faire face à cette nouvelle situation. Le CSP apparait de fait comme l’acteur politico-militaire central avec lequel le Mali et la communauté internationale devront construire la paix, la sécurisation et la stabilité permanente de cet espace.
Une confusion sécuritaire semble s‘installer, pouvant donner lieu à des zones d’ombre rendant difficile toute lecture du rôle des acteurs et la nature de leurs rapports. Difficile par conséquent de comprendre les stratégies sécuritaires des uns et des autres et d’apprécier de manière claire leur efficacité au regard des objectifs affichés. Une reconfiguration des belligérances serait en cours et des rapprochements conjoncturels et parfois « contre-nature » entre certains acteurs est à craindre dans les semaines et mois à venir.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant
Lyon (France) 28 mars 2022