Mali, Azawad…Macina : tôt ou tard, le dernier mot au terrain
Quand l’orgueil suicidaire et l’amateurisme politique de la junte malienne mettent gravement en danger les populations civiles dans l’indifférence générale de la communauté internationale.
La crise que traverse le Mali revêt parfois des aspects troublants et contradictoires. Difficile en effet de comprendre la cohérence de la stratégie mise en place par la junte au pouvoir pour restaurer la cohésion nationale et se donner les moyens de ramener la sécurité sur l’ensemble du territoire.
Après avoir affiché une indifférence discriminatoire au sort des populations du Nord (Azawad) et du centre (Macina), les autorités actuelles donnent l’impression de vouloir acter une différenciation qui pose question sur le projet national et la nature de la refondation de l’Etat tant resassée. S’agit-il des prémisses de l’acceptation d’un état de fait qui mènera inéluctablement vers la fin du centralisme actuel ? L’échec postcolonial en matière de gouvernance se traduit dans la difficulté des élites qui pilotent le système politique actuel à percevoir l’Etat autrement que comme instrument au service des intérêts d’une frange communautarisée de la population et pourvoyeur de prébendes.
En abandonnant à leur sort les populations du Centre et du Nord et en s’abstenant d’affronter certains groupes jihadistes sur le terrain, les autorités maliennes affichent une attitude pour le moins ambigüe et troublante contribuant ainsi à accentuer la méfiance des populations, d’autant qu’elles sont parfois victimes d’exactions de la part de forces régulières et de leurs affidés, et à entretenir la confusion dans les esprits. Cette attitude contredit également le discours vendu à l’extérieur sur la volonté de la junte à réaffirmer la souveraineté de l’Etat et sa détermination à préserver l’intégrité du territoire légué par l’administration coloniale française. La distorsion entre un discours qui se veut souverainiste, mais de fait populiste, et un engagement sur le terrain que d’aucuns estiment limité à quelques survols furtifs de certaines zones, ne saurait perdurer sans entamer la crédibilité de l’armée et la lisibilité des objectifs réels des autorités de Bamako.
Les acteurs de terrain et la communauté internationale doivent assumer leurs responsabilités vis à vis des populations abandonnées par la junte malienne et meurtries par des séries interminables d’exactions et autres massacres massifs. L’exemple des régions de Ménaka et Gao interpelle la conscience humaine et illustre les incohérences et le caractère sélectif des indignations face à l’horreur. L’isolement progressif du Mali sur la scène internationale et la récente décision de la junte d’interdire toute action bénéficiant du soutien financier ou technique de la France constituent une sorte de double peine pour ces populations abandonnées par l’Etat et privées de soutien extérieur souvent indispensable à leur survie.
La phraséologie diplomatique ne saurait suffire indéfiniment à contenir la détresse des populations qui font face à la mauvaise foi de certains acteurs habitués à saborder les fondements des engagements qu’ils prennent dans les réunions internationales. Les communautés victimes de ces errements diplomatiques n’ont manifestement plus d’autres recours que leur seule capacité d’organisation et à imaginer leur avenir dans une expression plus affirmée de leur aspiration à la liberté.
Sur le plan politique, les Mouvements de l’Azawad jouent plus que jamais leur crédibilité et leur survie en tant qu’acteurs légitimes à incarner la volonté et les intérêts des populations dont ils se prévalent. Leur participation aux instances de la transition devient de plus en plus intenable et risque de se révéler contre-productive. Au lieu de constituer un élément positif marquant la volonté des parties de travailler ensemble, elle s’avère être, comme par le passé, une manœuvre du pouvoir de Bamako pour affaiblir les Mouvements en absorbant certains de leurs cadres et animateurs pour mieux les neutraliser, créant ainsi un malaise qui les décrédibilise aux yeux des populations et de la communauté internationale.
L’absence répétée des représentants de l’Etat malien aux récentes réunions de suivi de l’accord d’Alger semble acter la volonté de la junte de rendre définitivement caduc cet accord et présage une nouvelle page dans les rapports entre Bamako et l’Azawad. L’ensemble des signaux politiques émis par les autorités pourraient indiquer l’existence d’un agenda inavoué dont l’axe central serait la foi persistante en une possible solution militaire contre les Mouvements de l’Azawad. La communauté internationale, dans sa déclaration faisant suite à la lettre d’alerte de la CMA quant à l’avenir de plus en plus incertain des accords d’Alger, ne semble pas vouloir se départir de sa posture apathique qui a abouti à la non-application du Pacte national des années 90. Pourtant cet accord aurait pu épargner les complications qui ont abouti à la situation actuelle qui menace d’être fatale à la survie du pays.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant
Lyon (France) 21 décembre 2022