Niger /coup d’Etat : Savoir raison garder !
Niger /coup d’Etat : Savoir raison garder !
La crise politique en cours au Niger depuis le 26 juillet 2023, interpelle et inquiète chaque citoyen par le caractère imprévisible de son évolution, la complexité et la multitude de ses enjeux locaux, nationaux et internationaux.
Au regard des réactions observées, il s’avère qu’elle suscite des appréciations qui font pratiquement l’unanimité des Nigériens. La première est l’opposition au blocus économique imposé par la CEDEAO, dont les populations civiles, notamment les plus démunies, sont les victimes les plus impactées. L’opposition est également quasi unanime, contre toute forme d’intervention militaire dont les conséquences et les prolongements risqueraient de dépasser les objectifs initialement énoncés. La position radicale affichée par la CEDEAO risque d’engendrer l’effet inverse de celui recherché, en unifiant le peuple nigérien, voire au-delà, contre toute initiative de la communauté internationale. Actuellement, cette posture n’est soutenue que par les nostalgiques du système déchu, qui voient s’éloigner la perspective d’un retour de leur emprise totale sur la vie sociopolitique du pays.
Par ailleurs, une écrasante majorité de Nigériens considère le Président Bazoum Mohamed comme victime de la situation et sa détention est perçue comme injuste. Car au-delà du fait qu’il occupait la fonction de Président de la République, rien ne justifie qu’il subisse une sanction qu’il ne partage avec son mentor. Ce dernier, Issoufou Mahamadou, a manifestement renâclé à céder son pouvoir et s’est assuré d’encore disposer d’une influence décisionnaire à la tête du pays. Il est soupçonné d’avoir joué un rôle déterminant dans l’éclosion de la crise actuelle qui ne serait alors qu’une manœuvre qui a mal tourné et dont les aboutissants ont pu échapper.
Beaucoup s’accordent à dire que Bazoum est d’abord victime d’une opération montée par la frange affairiste de son propre parti, le PNDS, menée par Mahamadou Issoufou. Celle-là même qui craint que l’évolution de son mandat ne finisse par rattraper certains « camarades » au travers de la multitude d’affaires de corruption et de malversations mises à jour ces dernières années. Il ressort des réactions multiples à ce coup d’Etat, que Bazoum est perçu par la majorité des Nigériens comme intègre, doué d’un sens des responsabilités et d’un franc-parler qui déborde parfois. Ce trait de caractère révèle un courage que lui reconnaissent même ceux qui désapprouvent ses approximations politiques teintées d’un angélisme parfois immodéré souvent inapproprié aux réalités du pays.
Ce coup d’Etat intervient dans une période où la vie politique est paralysée par une disparition progressive de toute opposition au PNDS et donc de débat contradictoire sur les principaux défis auxquels le pays fait face. Ceux qui affirment trop facilement, qu’il n’existait aucun problème politique, confondent stabilité contrainte et véritable santé politique en arguant de l’absence de manifestations publiques de mécontentement. La tendance qui s’installait muselait toute expression n’allant pas dans le sens des tenants du Pouvoir. Ce coup d’Etat, dont les contours demeurent obscurs, a trouvé en effet une situation politique délétère qui devait immanquablement déboucher sur une crise. La mal gouvernance, dont la corruption n’est qu’un des éléments, a atteint des limites critiques qui menaçaient la stabilité du pays.
Aujourd’hui comme hier, surtout dans le contexte géopolitique actuel, la solution à cette crise ne saurait être que politique. En effet, la sous-région est devenue une poudrière dans laquelle l’usage des armes se banalise et devient à la portée de tout groupe mu par des intérêts particuliers. Il serait hasardeux de forcer une lecture par trop communautaire dans la crise actuelle au Niger, quand bien même par ailleurs des événements survenus ces dernières années ont manifestement eu des relents ethniques car ayant ciblé certaines communautés dans les régions de Diffa, Tillabéry et Tahoua.
Il faut donc garder espoir d’un sursaut d’intelligence qui mettrait le pays à abri d’un chaos dont les principaux initiateurs pourraient bien être aussi victimes. Il faut savoir raison garder et prôner une attitude constructive, susceptible de désamorcer les crispations et permettre de revenir rapidement à un débat pluraliste à la recherche d’une gouvernance moins coercitive permettant de libérer la parole et les initiatives. Les Nigériens dans leur ensemble n’aspirent en réalité qu’à l’établissement d’un authentique ordre constitutionnel, vidé de sa substance bien avant le coup d’Etat du 26 juillet 2023…
Abdoulahi ATTAYOUB
Lyon (France) 22 août 2023