Azawad-Mali : la crédibilité de la communauté internationale mise à mal
Le pied de nez de la junte malienne à l’Algérie et à la Communauté Internationale
En annonçant leur souhait de se retirer des accords d’Alger, les colonels au pouvoir au Mali prennent le risque d’éloigner davantage les perspectives d’un règlement définitif du conflit qui oppose le Mali à l’Azawad. Cette fuite en avant est un acte de défiance vis à vis de la communauté internationale qui s’était mobilisée pour tenter à travers cet accord, à minima, imposé alors aux deux parties, d’éviter une dérive qui menaçait de rendre le conflit hors de tout contrôle et donc de menacer durablement la stabilité de la sous-région.
Au regard des reproches formulés par la junte malienne à l’encontre de l’accord d’Alger, il est difficile d’envisager qu’un dialogue inter-maliens puisse donner des résultats susceptibles de mettre un terme au conflit qui oppose l’Azawad au Mali depuis plus de 60 ans. En effet, le refus obsessionnel de l’Etat malien à accepter une réelle décentralisation ainsi qu’une répartition rationnelle des pouvoirs entre l’Etat central et les régions demeurera la pierre d’achoppement illustrant l’absence de volonté politique du Mali depuis des décennies. Cette attitude des autorités maliennes constitue une des raisons fondamentales de l’instabilité actuelle au Sahel. Il appartient par conséquent à la communauté internationale de se donner les moyens de faire revenir la junte actuelle à la raison et de l’inciter à respecter le compromis traduit dans l’accord d’Alger, avalisé et parrainé par l’ensemble de la communauté internationale, membres du Conseil de Sécurité compris, notamment la Russie, garante de « la nouvelle souveraineté retrouvée » prônée par les néo-panafricanistes sahéliens.
La communauté internationale, et en premier lieu l’Algérie, a manqué de cohérence en se désintéressant de l’application effective de l’accord et en laissant finalement la situation se dégrader progressivement. Il était évident que la junte malienne, dès son accession au pouvoir, s’était donnée comme objectif premier non pas de combattre le terrorisme mais de détricoter cet accord et détourner par là même l’opinion malienne des véritables problèmes du pays.
Quant aux Mouvements de l’Azawad qui avaient accepté de participer au processus de la transition en y intégrant leurs représentants, ils ont sans doute pêché par excès de confiance et insuffisance d’appréciation politique. Ces mouvements auraient dû prendre davantage au sérieux les discours va-t-en-guerre des autorités maliennes sous-tendus par leur volonté de trouver le moyen de vider l’accord de paix de sa substance. Dans le même objectif, la location des services de la milice Wagner était essentiellement destinée à pallier les insuffisances de l’armée malienne, malgré sa supposée montée en puissance. En effet sans l’apport de ces mercenaires, dont les rapports avec l’Etat russe ne font plus mystère, le Mali n’aurait pu se permettre d’opter pour l’engagement dans cette nouvelle impasse avec l’Azawad.
Les massacres massifs perpétrés par l’armée régulière et cette milice contre certaines communautés particulièrement ciblées risquent d’accélérer la dislocation du pays et de l’Etat dans sa forme actuelle. De plus, l’usage brutal et mal maîtrisé des drones expose toutes les populations civiles de ces zones aux bavures de plus en plus fréquentes dont sont indistinctement victimes des personnes innocentes.
Le silence contraint des leaders communautaires et de la classe politique face aux dérives de la junte et des mercenaires du groupe Wagner en dit long sur la déliquescence du système et des institutions politiques au Mali. Les exactions aveugles contre les populations civiles atteignent un niveau qui portera durablement atteinte à la cohésion nationale. Des pogromes ciblant certaines communautés sous le prétexte fallacieux de lutte contre le «terrorisme» ne sauraient relever d’un quelconque patriotisme. Les agendas cachés se révèlent au grand jour et le chaos se généralise progressivement en une multitude d’embryons de guerres civiles. Avant de se lancer dans un projet tel l’AES, devenu subitement une priorité, les États sahéliens auraient gagné à résoudre d’abord leurs problèmes internes de gouvernance.
Le silence de la médiation internationale devant le choix de Bamako pour une option militaire par essence vouée à l’échec interroge sur les véritables intentions des uns et des autres. Il est vrai que le contexte géopolitique sous-régional ne favorise pas une approche partagée et vertueuse des conditions nécessaires à la stabilité de l’espace sahélo saharien. Le jeu des puissances, aussi bien régionales qu’internationales, semble relever d’agendas dont l’Azawad ne constitue qu’une variable d’ajustement. Les manœuvres liées à cette réalité s’observent partout et ne contribuent pas à un apaisement des esprits.
En outre, le CSP (Cadre Stratégique permanent) regroupant les Mouvements de l’Azawad qui militent pour une solution politique du conflit semble peiner à se défaire de l’instrumentalisation par des intérêts opportunistes et des enjeux géopolitiques à différentes échelles.
En rappelant récemment son attachement à l’accord d’Alger, le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé une position qui nécessitera un engagement plus clair et vigoureux afin de dissuader les colonels maliens de poursuivre dans cette impasse qui sape les efforts de la Communauté internationale, qui aggrave les conditions de vie des populations ainsi que la situation sécuritaire déjà délétère et qui ne saurait en aucun cas constituer une solution durable aux tensions et contradictions à la source de l’instabilité chronique de la bande sahélo-saharienne.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant
Président de l’Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe (ODTE)
Lyon (France)
12 janvier 2024
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