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Le blog de Abdoulahi ATTAYOUB

Niger-CNSP : Introuvable voie pour la Transition

19 Mai 2024 , Rédigé par Abdoulahi ATTAYOUB

Le Conseil national pour la sauvegarde la patrie (CNSP), aux commandes du pays depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, fait preuve d’une étonnante assurance dans sa gestion de ce que l’on ne peut toujours pas appeler : « Transition ». L’impression d’un coup d’Etat encore inachevé explique peut-être cette difficulté à lancer enfin les bases d’une véritable Transition dotée d’organes ad hoc et d’un chronogramme.

Les nouvelles autorités, prises dans un tourbillon géopolitique qu’elles ne semblent pas avoir bien appréhendé, tardent à dérouler le processus proposé aux Nigériens afin de retrouver une vie politique ordinaire. Contrairement aux expériences des coups d’Etats antérieurs, le contexte international constitue cette fois-ci un élément prédominant, nourrissant par ailleurs opportunément le narratif de politique intérieure. La situation commande néanmoins que le CNSP se décide enfin à dire aux Nigériens quels sont ses projets et agendas. L’institution militaire n’ayant pas vocation à s’éterniser au pouvoir, elle ne devrait intervenir dans ce champ qu’afin de raffermir les fondements de l’Etat dans un temps délimité et affiché clairement.

Le retour à l’ordre constitutionnel en soi ne garantit aucunement l’avènement d’une bonne gouvernance et encore moins l’établissement d’un régime véritablement démocratique à même d’apporter sécurité et épanouissement aux populations. L’expression "retour à la démocratie" ne semble pas appropriée, tout au plus pourrait-on souhaiter un retour au processus démocratique envisagé par les conclusions de la Conférence nationale.

À présent, plus de dix mois après le coup d’Etat, il convient de recentrer l’attention sur la situation du pays et s’atteler à la mise en place d’une Transition dont les organes disposeront des moyens politiques nécessaires pour le ramener sur le chemin d’un processus démocratique qui n’a finalement jamais véritablement été amorcé. Un chronogramme dont la durée raisonnable devrait suffire à établir une nouvelle constitution, avec l’ensemble des institutions permettant un fonctionnement régulier de l’Etat constitue une nécessité impérieuse. Le CNSP tarde par trop à indiquer un cap clair permettant au citoyen de percevoir ne serait-ce qu’un semblant d’horizon. Le sentiment de s’éterniser dans un brouillard dont on appréhende ce qu’il recouvre finit par générer une forme d’angoisse nationale qui finira par saper la confiance et faire le lit du désordre. Les autorités actuelles doivent se ressaisir et faire preuve de pragmatisme dans la gestion de la crise, y compris dans les relations avec le voisinage et les partenaires internationaux. Sans préjuger des raisons profondes de certaines décisions dont seules les autorités détiennent les ressorts, il apparaît néanmoins utile que la diplomatie dans ses règles classiques reprenne son rôle pour atténuer les tensions et se consacrer à l’essentiel.

La sauvegarde de la souveraineté nationale qui se traduit par une réaffirmation de la volonté légitime de diversifier les partenariats ne saurait souffrir d’aucune équivoque. Elle ne devrait cependant être réduite à des choix hasardeux dictés par des circonstances qui pourraient pousser à une forme de paranoïa se traduisant par une volonté mal maîtrisée d’afficher son « indépendance ». Les relations internationales font rarement bon ménage avec des initiatives impétueuses dictées par la passion ou par une pression démesurée de courants politiques aux agendas partisans et pas toujours animés de l’intérêt du pays.

Libérer la parole pour enrichir le débat

La suspension des partis politiques qui s’accompagne du silence inexplicable des leaders politiques du pays ont fini par inhiber toute expression publique susceptible d’animer le débat contradictoire. Le CNSP se doit de desserrer l’étau et permettre aux citoyens de l’accompagner à préparer l’avenir, seul gage de future stabilité. Si les partis politiques qui animent la vie politique depuis la Conférence nationale ont objectivement échoué dans leur mission, c’est aussi parce que les élites ont cédé à la facilité de reproduire les pratiques usuelles, notamment les plus archaïques de la politique postcoloniale. Afin de rénover la politique et se défaire du passif des partis qui ont eu à gérer le pays, la Transition qui s’annonce gagnerait à s’accompagner d’une réorganisation complète du paysage politique permettant l’émergence de nouveaux partis.

Les droits citoyens du président Mohamed Bazoum doivent être garantis

Dans l’intérêt supérieur du pays, le CNSP doit donner les gages d’un traitement correct du sort de l’ancien président de la République. Le Niger est encore marqué par le traumatisme de la gestion chaotique de l’affaire de l’assassinat du Président Ibrahim Baré Maïnassara. La classe politique dans son ensemble avait instrumentalisé la volonté populaire pour se soustraire à ses responsabilités dans ce crime. Les Nigériens sont fondés à attendre de la justice qu’elle se montre indépendante et impartiale afin de mériter la confiance lui étant nécessaire pour être respectée dans son rôle de régulateur de la société. Il ressort aujourd’hui que l’unique ligne de défense audible en politique est celle du droit de Bazoum à bénéficier du même traitement que n’importe quel autre Nigérien. Les arguments sur le prétendu caractère démocratique du régime déchu ne paraissent pas convaincre grand monde tant la gouvernance et la pratique politique étaient devenues insupportables en dehors du système PNDS.

Le pays a besoin de retrouver un degré de sérénité permettant de faire face aux écueils d’une période caractérisée par des bouleversements qui ne l’épargneront pas. Les gesticulations géopolitiques de certains voisins ne devraient pas l’emporter sur la nécessite de se concentrer sur les intérêts du pays. L’unité du pays et la consolidation d’une bonne gouvernance sont des préalables à toute autre initiative d’ouverture sur l’extérieur, notamment dans le cadre du projet de l’AES. Autrement, le Niger finira par être le dindon de la farce de l’aventure et ses promoteurs pourraient finir par lui faire faux bond.

 

Abdoulahi ATTAYOUB

Consultant

Lyon, France                                                                                                                                           19 mai 2024

 

 

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