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Le blog de Abdoulahi ATTAYOUB

Niger : CNSP, le temps de la maturité politique

7 Septembre 2024 , Rédigé par Abdoulahi ATTAYOUB

Depuis plus d’un an qu’il est au pouvoir, le CNSP (Conseil nationale pour la sauvegarde de la patrie) a dû faire face à une multitude de défis. Le premier fut de démontrer la pertinence de son initiative mettant un terme au mandat du Président Bazoum. Pour cela il fallait mettre en exergue des défaillances et insuffisances du régime renversé pour mieux asseoir la légitimité d’un putsch qui a surpris plus d’un observateur et qui a souvent été considéré comme inutile.

Afin d’entraîner l’adhésion d’une certaine opinion essentiellement dans la capitale, réputée hostile au pouvoir déchu, une option de rupture totale devait se concrétiser par des actes forts.

Une des voies qui s’offraient était de suivre les deux voisins déjà engagés dans une nouvelle dynamique géopolitique fondée principalement sur le rejet de l’Occident et le choix de se mettre sous l’égide de la Russie. Ainsi, il fallait, là aussi, mettre l’accent sur les anomalies de la coopération, notamment avec la France. Un narratif que d’aucuns estiment excessif est venu soutenir la démarche en tentant de détourner les regards et en les orientant sur les questions géopolitiques et la nécessaire réappropriation des signes les plus spectaculaires de la souveraineté. La France et l’Occident en général ont été les boucs émissaires qui ont servi à cette phase de construction idéologique d’un projet qui devait cependant convaincre de sa capacité à inventer autre chose que ce que l’on connaît déjà. Les slogans et discours souverainistes, voire populistes, ont pris le pas sur le débat interne et notamment sur la nécessité d’améliorer la gouvernance politique et les conditions de vie des citoyens. Les réactions hostiles et disproportionnées de la CEDEAO au coup d’Etat ont considérablement pesé en contraignant le CNSP à « se mettre en économie de guerre » pour assurer la continuité des services vitaux de l’Etat. Au fil du temps et grâce à la solidité des liens objectifs humains et économiques avec les deux grands voisins que sont le Nigeria et l’Algérie, la situation a pu être contenue et la désintégration annoncée du CNSP n’a pas eu lieu.

À présent, ayant tant bien que mal stabilisé la situation et traversé les difficultés liées à ce type de changement de régime, les autorités actuelles semblent prendre la mesure des choses et vouloir apaiser les crispations pour mettre enfin en route les dispositifs et rectifications nécessaires à la stabilité et à la reprise d’une vie politique plus vertueuse. Les erreurs des régimes précédents doivent servir de leçons et permettre d’améliorer le rapport du citoyen à l’Etat et à la politique. Les efforts tangibles contre la corruption et les réformes indispensables de l’organisation de la vie politiques sont des points essentiels de cette nouvelle vision qui pourrait sortir le pays du climat d’angoisse déjà bien installé par l’insécurité et les conséquences des crispations géopolitiques du moment.

Ainsi, en interne, une initiative courageuse de décrispation pourrait faciliter cette évolution. Un traitement moins rigide de la situation des détenus politiques, à commencer par celle de l’ancien président Bazoum Mohamed, permettrait de laisser augurer une nouvelle phase et une volonté du CNSP de se défaire de l’emprise de ses soutiens les plus radicaux qui continuent à entretenir des tensions inutiles et contre-productives pour le pays.

L’amélioration déjà amorcée des relations avec les pays voisins est un autre levier qui contribuera rapidement au retour à la sérénité nécessaire pour faire face aux difficultés. Un réexamen pragmatique de l’ensemble des relations internationales devrait aboutir à une reprise mieux encadrée des partenariats étrangers avec notamment la prise en compte des nouvelles orientations du pays. La réaffirmation de la souveraineté nationale devra se traduire par une diversification efficiente des partenariats dans un rapport exigeant fondé sur leur caractère gagnant-gagnant. Les engagements pris au sein de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) seront toujours appréciés à l’aune des intérêts spécifiques du Niger en préservant la capacité à veiller d’abord à la stabilité et aux équilibres internes du pays.

Il apparait que le CNSP est à présent en mesure de procéder à la mise en place effective de cette Transition et de se donner les moyens de passer à une nouvelle étape de cette refondation dont le pays a tant besoin. Il réussira ainsi à convaincre de sa volonté à privilégier l’intérêt supérieur du pays et à instaurer un climat sociopolitique dégagé de toute rancœur et tourné résolument vers l’avenir. La mise en place d’un conseil à caractère législatif devra se faire avec la plus grande attention pour lui assurer une véritable représentativité et donc la crédibilité nécessaire pour requérir la confiance effective du peuple. Cette nouvelle décrispation aura pour avantage de traiter les questions judiciaires en cours dans un esprit de réconciliation tout en ayant la fermeté nécessaire sur les affaires ayant porté un préjudice grave pour l’intérêt du pays. Le pays a besoin de retrouver rapidement une vie politique apaisée afin de mieux affronter la question sécuritaire, travailler davantage à l’amélioration des conditions de vie de la population, faire face aux catastrophes naturelles tout en menant à bien la refondation des institutions de l’Etat.

 

Abdoulahi ATTAYOUB

Lyon (France)                                                                                                                                                         8 septembre 2024

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