Niger : Déchéance de nationalité
Curieuse décision du Président du CNSP (Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie) que cette déchéance de nationalité. User de l’autorité de l’Etat pour retirer la nationalité à des citoyens au motif de leur opposition à une politique constitue un précédent dangereux dont les auteurs n’ont certainement pas mesuré toute la portée.
En outre, les critères invoqués pour viser les personnes concernées semblent pour le moins étranges et suspects quant à leur véritable ressort.
Il est impératif d’avoir toujours à l’esprit que le pays et la nation sont encore en construction et tout ce qui touche à la citoyenneté revêt un caractère sensible et ne devrait point faire l’objet d’instrumentalisation. Le rapport à la terre des ancêtres et l’attachement aux territoires revêtent une importance qui dépasse encore l’idée que les gens se font d’une citoyenneté dont la réalité reste parfois encore très théorique et problématique.
Ce type d’initiative risque de déstabiliser l’Etat et semer la confusion dans des esprits peu empreints d’un récit national encore non abouti.
Au moment où il s’agit avant tout de construire une nation portée par un esprit patriotique partagé, il semble pour le moins contre-productif voire dangereux de toucher au rapport des citoyens à leur pays. En effet ouvrir cette boîte de Pandore fait courir le risque d’engendrer beaucoup d’apatrides et de personnes dont la citoyenneté pourrait être légitimement questionnée.
Le CNSP devrait se raviser et renoncer à ce décret. Il y va de l’intérêt supérieur du pays et cela serait perçu comme une note positive à mettre à son crédit car il aurait reconnu l’erreur d’appréciation l’ayant amené à prendre cette décision potentiellement plus délétère pour le pays que les torts reprochés aux personnes concernées.
Le risque est trop grand que cette décision soit comprise au-delà du sens que voudraient lui donner ses auteurs. Le pays n’a pas besoin de divisions supplémentaires qui dépassent pour le coup le débat politicien et pourraient réveiller d’autres démons qui affaibliraient l’Etat face aux défis existentiels auxquels il fait face.
Au-delà des aspects juridiques qui mériteraient un peu plus d’égards, cette décision paraît inappropriée comme levier politique contre des opposants.
Abdoulahi ATTAYOUB
Lyon (France) 12 octobre 2024