Azawad-Mali La CMA dans les pas des MFUA, et la lutte de l’Azawad continue...
Azawad-Mali
La CMA dans les pas des MFUA, et la lutte de l’Azawad continue...
La France et l’Algérie savent qu’elles continuent à « tresser sur des poux »
Malgré une opposition de la population concernée clairement exprimée, la communauté internationale, impatiente de régler un problème qu’elle devait juger trop insignifiant pour y consacrer le temps nécessaire, avait choisi de faire le forcing afin d’obliger les dirigeants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) à signer des accords qui constituent à l’évidence un recul dans le processus devant aboutir à une paix définitive entre l’Azawad et le Mali.
Au regard des textes et du début de leur processus de mise en œuvre, ces accords risquent fort de tomber dans les oubliettes de l’Histoire, comme les précédents, dès lors que les acteurs actuels auront été étroitement neutralisés par le système d’intégration mis en place par la médiation internationale.
La répétition du schéma des années 90 qui avait abouti au désarmement et à la disparition des mouvements devrait cette fois encore générer un processus assez semblable. De plus, sensibles eux aussi à une présentation conforme à leur vision d’un monde qui leur est très éloigné, les partenaires financiers du Mali ne manqueront pas d’être au rendez-vous pour renflouer des organes inventés pour l’occasion, impeccables sur le papier, très classiques dans leur mode opératoire, mais bizarrement assez éloignés du terrain au niveau de leur conception. Ces mêmes partenaires lanceront d’ailleurs des plans de développement dont personne ne se souciera de leur efficacité quand les lumières seront éteintes, et de leur influence réelle sur les conditions de vie des populations censées en être les bénéficiaires. L’utilisation des fonds ainsi collectés doit répondre aux impératifs immédiats d’intégration des Mouvements dans le processus d’ « application » des accords. Sans véritable exigence de réussite, sauf sur le papier, cette « application » des accords aura vraisemblablement une conséquence, et ce sera peut-être hélas son unique réussite : elle pourrait, si nous n’y prenons garde, favoriser la disparition de toute possibilité de porter les revendications des populations locales. Sans une impérative vigilance, il n’est pas exclu d’imaginer que certains leaders des Mouvements se chargeront eux-mêmes de faire le travail à la place de l’Etat malien et de la communauté internationale pour bâillonner toute velléité de contestation. Le but recherché pour nombre d’acteurs, comme dans toute bonne comédie.
L’absence de références à l’Azawad à la réunion de Paris du 22 octobre 2015 est troublante et indique à cet égard l’état de décomposition avancée de l’esprit azawadien de certains leaders des Mouvements.
En mettant en perspective l’évolution de cette question depuis les années 90, force est de constater que les méthodes utilisées pour neutraliser les MFUA (Mouvements et Front Unifiés de l’Azawad) fonctionnent encore à merveille avec la CMA. Une flamme de la paix sera-t-elle encore nécessaire pour bien enfoncer le clou, au grand dam des victimes civiles de la répression des années 90, qui attendent encore que la communauté internationale transfère leurs bourreaux à la CPI pour répondre de leur responsabilité lors des multiples massacres pourtant bien documentés par des associations et organisations de défense des droits de l’Homme.
En prenant en compte à la fois l’évolution du contexte international et le poids des autres menaces qui pèsent sur la sous-région, on a du mal à comprendre les choix de la Communauté internationale et le zèle de certains leaders des Mouvements de l’Azawad. Un zèle sans doute porté par une volonté d’en finir au plus vite, alors qu’il faudrait avant tout rendre à ceux qui ont démontré leur détermination à vivre à leur rythme et non pas sous la coupe de fonctionnaires venus du Sud se comportant comme sous une colonisation quelconque, volonté qui incite également à consolider les positions de l’Etat malien dans sa volonté constante de réduire toutes les avancées obtenues ces dernières années par les combattants et les populations de l’Azawad.
Les cadres politiques de l’Azawad sont victimes de la faiblesse de leur stratégie face à l’Etat malien et surtout à la Communauté internationale, qui réussit invariablement à noyer les plus éclairés dans une rhétorique pseudo-inclusive dont l’objet est de faire disparaître les véritables objectifs et les occuper tous à des querelles de leadership et autres considérations ethniques ou tribales.
On peut observer plusieurs profils chez ces cadres, malgré le caractère mouvant de certaines postures et l’influence des forces occultes qui manœuvrent pour saper l’unité des Mouvements : les fatalistes, qui pensent n’avoir aucun autre choix que de céder aux pressions et de participer malgré eux à la destruction des acquis obtenus au prix de sacrifices inouïs depuis des générations, et les opportunistes, qui n’ont d’autres motivations que l’accès aux dividendes et à une situation matérielle à laquelle il faut accéder au plus vite.
La détresse des centaines de milliers de réfugiés azawadiens, éparpillés dans toute la sous-région et plus loin encore, devrait imposer aux leaders qui souhaitent prendre des engagements à leur nom à beaucoup de prudence.
Les aspirations des populations de l’Azawad, légitimes et inaliénables, trouveront leur voie dans le respect du droit de chaque peuple à déterminer son choix d’organisation pour tendre vers un avenir meilleur. Les dirigeants des Mouvement de l’Azawad, au-delà de la CMA, savent que le « Mali Un et Indivisible » n’existe pour l’instant que dans les slogans des extrémistes qui surfent sur la bienveillance de la Communauté internationale. En la matière, on devrait toujours garder à l’esprit que l’agenda sécuritaire et géopolitique prime sur les autres considérations dans la jungle des relations internationales.
Au final, les grands perdants pourraient être le Mali, l’Azawad et les populations de ces deux entités.
Plus qu’hier, la Communauté internationale portera la responsabilité de ce qui se passe aujourd’hui, car l’Etat malien n’est plus en capacité de se poser en interlocuteur crédible des populations de l’Azawad. Il faudrait avant tout consacrer du temps, des moyens et mobiliser profondément les hommes et les femmes de ce territoire pour infléchir le sentiment d’abandon ou de désespérance que chaque Azawadien porte en lui en permanence. L’Etat malien se comporte en parfait schizophrène depuis l’indépendance, car, tout en s’arc-boutant farouchement contre ce territoire pour affirmer sa puissance, il oublie son devoir pédagogique qui aurait dû consister à faire accepter par les gens du Sud ces nouveaux Maliens bien différents, mais Maliens tout de même, et envoie ses fonctionnaires « administrer » l’Azawad comme si ce territoire était peuplé de demeurés incapables de se gérer eux-mêmes, alors que ces derniers apportent la preuve depuis des siècles qu’ils peuvent vivre sans intervention extérieure et posséder des structures sociales aussi complètes et compétentes que celles qui régissaient les propres sociétés du Sud. De plus, l’Etat malien a échoué dans sa gouvernance, notamment en traitant les populations de manière différenciée. Il n’a pas, et n’aura pas de sitôt, les moyens humains et matériels d’assurer la sécurité des populations pour qui il représente d’ailleurs la principale menace étant donné les exactions commises sur elles depuis l’indépendance du pays.
Abdoulahi ATTAYOUB