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Le blog de Abdoulahi ATTAYOUB

Niger : Massacres d’In Atès, l’honneur souillé des FDS et défaillance de la République.

7 Septembre 2020 , Rédigé par Abdoulahi ATTAYOUB

La disparition en avril dernier de 102 personnes à In Atès au Niger était donc bel et bien un massacre commis par des éléments des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) sur des populations civiles innocentes non armées.

Le rapport d'enquête, dont la qualité est à saluer, que vient de publier la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH) confirme ainsi les déclarations des proches des victimes que d'aucuns avaient cru pouvoir qualifier d’« exagérées », voire à caractère subversif contre l’autorité de l’Etat. Certains responsables du Pouvoir en place à Niamey s’étaient même hasardés à parler d’« allégations » pour qualifier le cri de détresse des habitants de la région victimes de ces exactions criminelles.

Le silence observé sur cette affaire par les médias, la société civile et l'ensemble de la classe politique trahit une profonde fracture entre le système en place au Niger et une frange de la population du pays. Ce mutisme ne saurait se justifier par un quelconque soutien aux FDS dans leur guerre contre le terrorisme. En effet ce type d'exactions commises contre des populations civiles constitue le meilleur service à rendre aux organisations djihadistes dans la région. Les communautés d'In Atès et d’Ayorou ont, elles aussi, droit à la justice et aux égards des autorités nationales. Les Nigériens dans leur ensemble sont en droit d'exiger des sanctions exemplaires contre les responsables, à tous les niveaux, de ces exécutions sommaires. Ces dernières ne sauraient être réduites à de simples égarements d’une poignée de militaires « incontrôlés ».

Il y a quelque chose de troublant, de préoccupant et de potentiellement dangereux derrière le soutien de certains Nigériens aux membres des FDS qui ont trahi le pays en s'en prenant à des citoyens innocents non armés. Chacun se fera une idée sur les motivations réelles de ce soutien et sur la nature des sentiments qu'il cache.

On n’entend pas non plus certains "spécialistes" du Sahel toujours prompts à tout expliquer par la persistance de certains archaïsmes au sein des communautés sahéliennes et qui restent muets quand les États, les armées et les Républiques s'en prennent à une partie de leurs propres populations. Cette impunité ne semble pas émouvoir ces « humanistes » et « démocrates » dont l'indignation sélective rend peu crédible la sincérité des analyses.

En outre, on peut légitimement s'étonner du silence de la CEDEAO et de l'Union africaine à propos de cette affaire. Quelle est l’utilité de la Commission africaine des droits humains et des peuples, si elle est incapable de se prononcer sur ce type de violations ?

La communauté internationale, pleinement engagée aux côtés du Niger pour combattre l’insécurité, ne peut raisonnablement ignorer les responsabilités de la hiérarchie politique et militaire dans cette affaire. Sa solidarité avec le peuple nigérien devrait la pousser à plus d’exigence envers les autorités du pays en matière de gouvernance et de respect des droits humains. Il y va de sa crédibilité et de la légitimité de sa présence dans le pays, lesquelles nécessitent confiance et collaboration des populations locales. Si ces dernières sont elles-mêmes fréquemment victimes des FDS, aucun dispositif sécuritaire ne saurait être efficace.

Le président Mahamadou Issoufou ne pourra soustraire son régime à sa responsabilité dans ces gravissimes forfaits. Il est à présent urgent que des mesures politiques et administratives soient enfin prises, sans attendre les procédures judiciaires, sous peine de discréditer davantage l'État et ses institutions L’honneur et la raison d’être d’une Armée réellement nationale et républicaine sont en jeu dans cette affaire. Nul ne comprendrait que la responsabilité de l’Etat ne soit engagée dans un acte aussi grave impliquant une de ses institutions.

Le silence qui entoure ces tueries constitue un marqueur révélateur de la défaillance et de l’improbité des institutions en plus de la preuve tangible de la mal gouvernance qui menacent les systèmes politiques actuels au Sahel. La démocratie, tant souhaitée et si souvent revendiquée, suppose avant tout le respect et la protection de toute vie humaine. Elle ne saurait se résumer à un spectacle affligeant d'élections folkloriques dont la qualité et la sincérité laissent souvent à désirer.

 

Abdoulahi ATTAYOUB

Consultant

@attayoub

Lyon le 7 septembre 2020

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