Niger : l’urgence d’un véritable sursaut patriotique
Niger : l’urgence d’un véritable sursaut patriotique
Près de deux ans après sa prise de pouvoir, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) peine encore à convaincre de sa volonté réelle de rompre avec les pratiques qu’il avait pourtant dénoncées pour justifier son coup d’État. L’opacité qui entoure l’architecture du pouvoir, ainsi que les zones d’ombre persistantes autour des liens entre certains cercles dirigeants et l’ancien système, suscitent des interrogations croissantes, voire de sérieuses inquiétudes quant à la capacité du régime actuel à tenir les promesses de refondation.
Les Nigériens attendent toujours un changement profond, tangible, qui rompe clairement avec les méthodes du passé. Pour apaiser les tensions et redonner confiance, le CNSP gagnerait à rester fidèle aux engagements pris, à ouvrir l’espace public de manière significative, et à fixer une feuille de route claire vers une sortie de crise.
Les Assises nationales ont pourtant posé un cadre propice à une refondation sérieuse, en tirant les leçons des dérives de gouvernance qui ont freiné l’émergence d’une nation unie et respectueuse de sa diversité. Toute tentative de manipulation ou de déni des équilibres socioculturels réels du pays est vouée à l’échec, et risque de précipiter le Niger dans le chaos et la violence. Le pays a trop longtemps vécu dans le mensonge et la captation des institutions à des fins partisanes pour pouvoir continuer dans cette voie, qui serait tout simplement suicidaire.
Ce dont le Niger a besoin aujourd’hui, c’est d’une introspection profonde, d’une redéfinition de son identité nationale et de la construction d’un socle commun fondé sur un pacte inclusif. Ce pacte doit reconnaître sans complaisance, mais sans exclusion, la diversité socioculturelle du pays. Le principal danger pour le Niger ne vient pas seulement des menaces exogènes, aussi brutales soient-elles, mais bien davantage des injustices internes et des déséquilibres hérités de la colonisation.
Ce sursaut patriotique nécessaire doit reposer sur les réalités du pays et sur la défense de ses intérêts propres. De larges consultations impliquant les figures morales et les autorités traditionnelles pourraient permettre d’apaiser les tensions persistantes ou naissantes dans ce contexte instable. La fuite en avant, en revanche, risquerait de précipiter le pays dans l’instabilité, voire l’ingouvernabilité. Il est urgent de sortir de la rhétorique belliqueuse et de la posture victimaire, devenues les seuls marqueurs visibles d’une refondation qui peine à se concrétiser.
Le Niger ne peut pas calquer ses choix sur les trajectoires du Mali ou du Burkina Faso, dont les contextes diffèrent. Il doit puiser dans ses propres ressources historiques, humaines et institutionnelles pour faire face à ses défis spécifiques, notamment sur le plan sécuritaire.
La réussite de toute stratégie de sécurité repose d’abord sur une unité nationale forte et sur la cohésion entre les forces armées et les populations locales. Aucune victoire ne sera possible sans un diagnostic sincère et rigoureux des causes réelles de l’insécurité. L’usage abusif du terme "terroriste" ne saurait dissimuler les injustices structurelles qui poussent nombre de jeunes vers les groupes jihadistes.
Le CNSP tarde à proposer une réponse politique réaliste et crédible en accompagnement des opérations militaires, lesquelles ont montré leurs limites, au Niger comme ailleurs. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) ne pourront pas remplir leur mission sans des moyens adéquats et sans une véritable symbiose avec les communautés. La stratégie sécuritaire doit être adaptée aux spécificités de chaque territoire. Les tensions récentes au sein de l’armée sont des signaux alarmants de fragilité, que les groupes extrémistes ne manqueront pas d’exploiter pour affaiblir davantage le moral et l’efficacité des unités engagées sur le terrain.
Sur le plan international, le CNSP donne encore l’image d’une gouvernance hésitante, peinant à s’insérer de manière lucide et constructive dans le concert des nations. Il est temps de faire prévaloir la raison sur les slogans populistes, devenus l’unique prisme d’analyse des dynamiques mondiales. Les accusations répétées de déstabilisation à l’encontre des pays voisins ou des puissances occidentales finissent par apparaître comme des plaintes puériles, plus proches d’un réflexe de victimisation que d’une affirmation souveraine réfléchie dans un monde dominé par les rapports de force.
L’urgence est de rétablir des relations apaisées, tout en affirmant clairement les exigences de souveraineté et en repensant les liens avec les partenaires internationaux. Car dans un monde régi de plus en plus par la loi du plus fort, le droit international peine à réguler les relations entre États. Les grands conflits actuels exposent les limites de ce droit et montrent à quel point les principes d’humanité et de justice sont trop souvent relégués au second plan face aux intérêts géostratégiques.
La crédibilité des puissances autoproclamées gardiennes des droits humains et des valeurs démocratiques est aujourd’hui profondément mise en cause, à l’aune de leur gestion sélective et souvent cynique des conflits mondiaux.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant
Lyon (France)
27 juin 2025
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