Niger : Le CNSP face à ses responsabilités et à l’Histoire
Le 26 juillet 2023, les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ont décidé de mettre un terme au mandat du Président Bazoum Mohamed et de relancer le débat sur la qualité de la gouvernance politique du pays. Le Général Abdouramane TIANI et ses compagnons d’armes ont alors renversé le gouvernement du PNDS et délivré le Niger de l’emprise du système Gouri qui avait dirigé ce pays pendant plus de 12 ans. Quasiment toutes les structures étatiques et privées étaient gérées par les barons de ce parti. Un conseil national pour la sauvegarde la patrie (CNSP) a pris les rênes du pouvoir pour, promet-il, refonder l’Etat et mettre le pays sur des meilleurs rails. Six mois après, les Nigériens sont toujours en attente de lisibilité sur la méthode et la mise en place des organes qui pourraient gérer cette période de transition et préparer au retour à un ordre constitutionnel classique. Certes, les sanctions imposées par la Commission Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la tension avec d’autres partenaires internationaux ne facilitent pas l’avènement d’un agenda clair permettant de comprendre les intentions du CNSP.
Après avoir mis fin au pouvoir clanique déchu, le CNSP devrait s’atteler à réinstaurer l’ordre dans le fonctionnement de l’Etat. Assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire et s’attaquer aux multiples problèmes hérités du pouvoir « socialiste ». Le peuple avait soif de liberté, de démocratie et espère accéder enfin au bénéfice de nos immenses richesses. Le Nigérien étant un être pacifique, tolérant et plein d’humanisme, il a surtout besoin d’une véritable justice. Le gouvernement doit continuer à s’attaquer à l’injustice à tous les niveaux sans distinction et sans faiblesse. Et pour cela le Général Abdourahmane TIANI doit continuer à monter au front avec tous les Nigériens, avec l’objectif visé de mettre fin à l’impunité, comme l’a affirmé le Chef de l’Etat dans la lettre de mission remise à chaque ministre, et de ramener dans l’escarcelle de l’Etat les centaines de milliards frauduleusement détournés ces dernières années.
Notre pays est loin d’être pauvre. Le peuple, l’omniprésent, est là et n’hésitera pas à signifier encore sa colère s’il ne sent pas un changement qualitatif quotidien dans sa vie. Les nouvelles autorités affirment incarner une nouvelle donne et chaque responsable doit mériter la confiance de ceux qui attendent tout de lui.
Les difficultés diplomatiques avec la France, l’Union européenne les pays de la CEDEAO ont poussé le pays à se rapprocher des autres pays de la sous-région traversant des situations comparables. La création d’une autre organisation, Alliance des Etats du Sahel (AES) comme un répondant aux insuffisances et griefs faits à la CEDEAO vient apporter un volet supplémentaire dans la crise. Cela présage d’une réorganisation des relations sous régionales avec l’espoir de ne pas reproduire les erreurs reprochées à la CEDEAO.
Certes notre pays est injustement indexé par certains dirigeants de la CEDEAO, ce qui a inévitablement causé du tort à la gestion de la crise actuelle. Et pourtant il faut continuer de se battre avec courage et sacrifice. Nous pensons que rien n’est insurmontable. Oui, la situation est difficile parce qu’on nous a imposé un embargo injuste et injustifié. Des anciens partenaires ont voulu nous enterrer vivants. Mais le peuple nigérien résistera et grâce à son courage sortira de cette situation. Nous devons continuer à avoir confiance en nous-mêmes. Nous avons beaucoup d’amis et alliés dans le monde entier. D’ailleurs certains dirigeants membres de la CEDEAO ont rectifié leur attitude vis à vis de notre pays. Nous sommes très loin d’être isolés. Et tout ce remue-ménage est d’ailleurs derrière nous.
La question de la souveraineté, comme exigence centrale de cette nouvelle doctrine partagée par les trois pays, vient bousculer certains aspects des relations établies pour certaines depuis les indépendances. La dénonciation des accords postcoloniaux avec la France et le renvoi des forces françaises de certains pays constituent le signe fort de cette nouvelle donne. Cependant, les autorités nigériennes se doivent de garder à l’esprit la nécessité d’une approche guidée uniquement par les intérêts du pays. Le discours diplomatique et les relations entre Etats disposent de codes et pratiques qui permettent de contenir les difficultés et laisser toujours la place au dialogue, quels que soient par ailleurs les griefs ou oppositions entre les gouvernements.
Le souci d’un bon voisinage, notamment avec le Nigeria et l’Algérie, a toujours été au centre de notre politique extérieure. Cela permet de préserver la stabilité de nos échanges et ne devrait pas aujourd’hui être mis en concurrence avec les autres relations, notamment le projet AES. Le CNSP ferait preuve de réalisme en donnant une priorité aux relations humaines et socioculturelles qui nous lient à notre environnement immédiat sans aucune discrimination. La diversification des partenaires, qui est d’ailleurs dans la tradition nigérienne, pourrait être améliorée et réadaptée sans forcément priver le pays des toutes les possibilités pouvant être bénéfiques à ses populations.
De manière générale, les relations avec nos partenaires devraient être revisitées avec une exigence renouvelée sans pour autant perdre de vue que l’objectif ultime devrait aboutir à des partenariats nouveaux fondés sur des échanges équitables et tenant compte des intérêts des différentes parties. Les manquements et les erreurs du passé devraient servir plus de leçons que de raisons de blocage qui ne pourraient résister au temps et à la nécessité des évolutions du Monde. Les voies et moyens existent pour rétablir un espace adéquat d’échanges permettant de passer en revue l’ensemble des sujets qui nécessitent une nouvelle approche. La sagesse et l’ouverture caractéristiques de nos traditions nous commandent de la mesure et de la bienveillance qui viennent toujours rendre encore plus juste notre aspiration à l’indépendance et au respect de notre personnalité. La promotion de nos intérêts dans le concert des nations exige de nous pragmatisme et sens des responsabilités.
Le gouvernement est en train d’œuvrer pour organiser des consultations électorales à tous les échelons et les citoyens devraient s’y engager pour sortir de cette Transition dans le délai de 3 ans proposé par les nouveaux dirigeants. Le Niger devrait, nous l’espérons, reprendre toute sa place dans le concert des Nations démocratiques, libres et indépendantes. C’est une question de temps. C’est dire que nous avons des étapes incontournables à parcourir pour remettre sérieusement notre pays d’aplomb. L’unité et la cohésion nationale seront toujours les meilleurs atouts face à l’adversité afin de ne pas être à la merci d’éventuelles menaces contre nos intérêts. L’unité nationale repose naturellement sur un respect strict de la diversité de nos communautés et de leurs spécificités. Toute tendance à ignorer cette réalité exposera notre pays à des difficultés inutiles qui pourraient laisser place à des intrusions extérieures qui nous affaibliront et mettront en péril la construction nationale.
Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO, Politologue
Abdoulahi ATTAYOUB, Consultant
Lyon (France) 15 février 2024