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Le blog de Abdoulahi ATTAYOUB

Mali-Azawad : sortir de l’impasse populiste pour gagner en cohérence

3 Juillet 2022 , Rédigé par Abdoulahi ATTAYOUB

Mali-Azawad : sortir de l’impasse populiste pour gagner en cohérence
Au Mali, la junte militaire, prise en otage par une aile extrémiste du M5 RFP, semble de plus en plus dans l’impasse et peine à renouer avec la réalité de son environnement géopolitique. La Transition semble avoir été abusée par un cercle d’usurpateurs populistes pensant qu’il suffisait de se parer de discours pseudo panafricanistes et de couper les liens avec la France pour surmonter les difficultés qui assaillent le pays. Ainsi, la junte commence à être rattrapée par la réalité et gagnerait par conséquent à s’éloigner au plus vite de ces beaux parleurs et autres opportunistes qui escomptaient acquérir par des manœuvres ce qu’ils n´ont pu obtenir des urnes.
La gestion chaotique de la communication suite aux massacres de la région de Ménaka illustre les tâtonnements du pouvoir. Les centaines de morts civils de Ménaka n’ont curieusement pas bénéficié des mêmes égards de la part de la « République une et indivisible », cela pose indubitablement la question de la pertinence du discours unitaire clamé partout pour contrer la volonté des populations du Nord à participer à la gestion de leur pays. Certaines voix ont dénoncé ce « deux poids deux mesures » qui révèle une perception différenciée des régions et des communautés lorsqu’il s’agit d’exprimer la compassion et la solidarité du pays. Est-ce à dire que la réalité de l’Azawad comme entité autre, est déjà inconsciemment actée dans l’esprit de certains ? On peut également relever l’étrange silence de la communauté internationale, des médias et de la société civile malienne.
Les Mouvements de l’Azawad, constitués pour combattre un système qui dévoie la légitimité de l’Etat au service d’intérêts exclusifs, n’ont pas vocation à combattre le terrorisme en ses lieu et place. Leur raison d’être est d’amener le pouvoir central à prendre en compte les droits et intérêts des populations de manière équilibrée et à donner, sans distinction, les mêmes chances à toutes les régions et à tous les citoyens. Les opérations militaires des Forces armées maliennes (FAMA) impliquant des éléments des Mouvements ne devraient se dérouler que dans le cadre de l’Armée reconstituée selon les termes des accords d’Alger. Sans quoi, les Mouvements épuiseraient leur potentiel militaire et leur action deviendrait illisible, en plus d’exposer les populations aux représailles des groupes jihadistes, sans que leur combat ne soit pour autant capitalisable dans leur engagement pour faire évoluer le fonctionnement de l’Etat et la qualité de sa gouvernance.
Au-delà des aspects militaires, tout engagement devrait s’accompagner d’un cadre politique clair qui le rende productif et digne d’engager la vie des combattants. Cela suppose une réflexion lucide devant toujours accompagner le réflexe défensif imposé par les réalités du terrain. En dehors de cette configuration, les Mouvements courent le risque de s’affaiblir davantage et voir l’Etat malien conforter sa position dans sa volonté de rendre caducs les accords d’Alger. La faiblesse de l’engagement des FAMA pour combattre les jihadistes dans la région de Ménaka interroge sur leurs intentions réelles. Les Mouvements sont légitimes à exiger des dividendes politiques clairs de leur engagement et à mettre la communauté internationale devant ses responsabilités quant au sort des populations civiles.
Tout en reconnaissant la complexité d’une situation rendue explosive par l’imbroglio des acteurs et la difficulté à appréhender clairement la nature de leurs liens, la realpolitik commande pour un pays de ne s’orienter vers de nouveaux choix stratégiques que s’il dispose de moyens idoines dont il peut espérer des retombées réalistes. Autrement, on risquerait de tomber dans un populisme qui ne sert que des intérêts particuliers au profit d’un clan qui instrumentalise la puissance publique pour se maintenir au pouvoir et écraser les oppositions.
Le Mali est légitime à vouloir diversifier ses partenaires et à se montrer intransigeant sur le respect de sa souveraineté ; néanmoins, cela devrait se faire dans une intelligence d’action lui garantissant la compréhension et l’indulgence de ses voisins ainsi que de la communauté internationale. Encore faut-il qu’il fasse la preuve de sa capacité à protéger toutes ses populations et à ne plus s’en prendre à certaines d’entre elles sur des considérations essentiellement ethniques.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant 3 juillet 2022
Lyon (France)
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